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    Article du 23/06/2009

    (Toutes les personnes citées dans l'article n'occupent plus forcément de nos jours les mêmes fonctions.) 

    Pour fustiger  les régimes spéciaux de retraite ou les indemnités de chômage, nos élus sont toujours prompts à dégainer. Lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux privilèges dont eux-mêmes bénéficient, il y a, par contre, peu de volontaires.

     

     

    La République,bonne fille des élus

    Entre les voitures avec chauffeur, les restaurants à prix d’ami, les logements de fonction, les retraites aux petits oignons, les prêts immobiliers à taux zéro et même les déplacements privés en hélicoptère (dont furent longtemps friands Jean-Claude Gaudin et Michel Vauzelle, dans les Bouches-du-Rhône), les représentants du peuple sont plutôt bien traités par la République.  Plus on s’élève dans la hiérarchie élective et meilleurs sont les à-côtés. Se doute-t-on que les anciens présidents de l’Assemblée nationale disposent, à vie, d’une limousine avec chauffeur ?

     

     Les missions officielles cachent parfois des virées touristiques

    l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif) s’est offert une petite virée à Marrakech. Une dizaine d’élus locaux, dont le maire socialiste de Clichy, Gilles Catoire, secrétaire général de l’association, ont pu découvrir «toute la chaleur de la ville et de sa médina», selon le récit d’un des participants. «L’élu, avant d’être un homme d’action, est un homme d’inspiration. Partir à la découverte d’autres horizons géographiques et politiques fait partie de ses responsabilités», philosophe l’Amif dans le compte rendu de ce voyage.

    Voilà sans doute pourquoi nos hommes politiques prennent si souvent l’avion. C’est bien simple, entre les missions officielles, les symposiums internationaux, les visites de courtoisie et les voyages d’études, ils ont tous mille raisons de déserter leurs assemblées aux frais de la République. Ceux qui ont la chance de représenter le peuple dans une grande ville ou, mieux encore, au Parlement, parviennent en revanche souvent à joindre l’utile à l’agréable.

     

    Prenez Rudy Salles, député des Alpes-Maritimes, conseiller régional de Paca et adjoint au maire de Nice. En février dernier, ce cumulard a été chargé de représenter sa ville au carnaval de Rio. Il y est donc allé avec, en bandoulière, deux missions du plus haut intérêt stratégique : accueillir le char de Nice au pied du Pain de Sucre et relancer le jumelage avec Rio, signé en 1977. Harassé de travail, l’élu du Nouveau Centre a tout de même trouvé le temps de nous faire partager sur son blog «le son de la samba et le rythme endiablé des batteries».

    Si les maires profitent des jumelages pour voir du pays, les députés et les sénateurs usent pour leur part des «groupes d’amitiés interparlementaires». Au nom du renforcement des liens avec les élus étrangers, ces clubs permettent de sillonner la planète sans bourse délier. A l’Assemblée nationale, on en dénombre 174, couvrant la plupart des Etats, 
    y compris les Maldives (25 membres, dont le député Olivier Dassault) ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée (Noël Mamère en est un membre assidu). La mauvaise nouvelle, c’est que le palais Bourbon limite à douze par an les voyages de l’ensemble de ces groupes d’amitié. Il faut donc prendre la file…

    Les sénateurs ne sont pas casaniers non plus. Il y a deux ans, une délégation de leur «groupe interparlementaire d’amitié France-Cambodge et Laos», présidé par l’ex-ministre socialiste Catherine Tasca, est, par exemple, allée faire une petite virée dans nos ex-colonies indochinoises. Thème du déplacement : «Le Cambodge à l’entrée du XXIe siècle». Rude. Comme en témoigne le programme ci-dessous, les dîners et audiences protocolaires ont malgré tout laissé une petite place aux visites de temples, de musées et de marchés colorés.

    Les séjours d’études de la Haute Assemblée sont si dépaysants que certains finissent par ne plus pouvoir s’en ¬passer. Grand amateur de voyages en Asie, mais plus tout jeune (79 ans), l’ancien sénateur UMP de Gironde Jacques Valade a ainsi renâclé pendant des semaines avant d’accepter de céder son fauteuil au Luxembourg. Pour le convaincre de lever le camp, son compagnon bordelais Alain Juppé a dû demander à Nicolas Sarkozy de le nommer… «ambassadeur itinérant en Asie». Depuis, notre homme multiplie les missions à Shanghai et Pondichéry, aux frais, cette fois, du Quai d’Orsay. Grâce à quoi Jacques Valade va échapper à la rigueur du Sénat : la Haute Assemblée vient en effet de décider qu’à partir du 1er janvier prochain ses élus ne s’envoleraient plus en première classe pour les longs voyages, mais en 
    business. Misère…

     Des postes en or pour les proches

    Longtemps assistant d’une députée, Pierre Bachelot conseiller parlementaire au cabinet de la ministre de la Santé. Son employeur n’a pas changé pour autant, puisqu’il s’agit de sa mère, Roselyne Bachelot. Pas très moral ?

    En tout cas très courant. Comme la dame au tailleur rose, des centaines d’élus n’hésitent pas à faire travailler leurs proches aux frais de la République. Rien ne le leur interdit, d’ailleurs. «Les assistants sont les collaborateurs particuliers du sénateur : recrutés directement par lui sans autre contrainte que l’opportunité politique et personnelle et la possession du baccalauréat, ils sont liés à leur employeur par un contrat de droit privé», précise, par exemple, le règlement de la Haute Assemblée. Dans la pratique, chacun de ses élus peut faire salarier par le Sénat (2 382 euros brut mensuels en moyenne) trois assistants à temps plein de son choix (ou six à temps partiel). Michel Charasse, le sénateur-maire de Puy-Guillaume, a ainsi recruté sans problème son épouse, Danièle, comme assistante parlementaire détachée en Auvergne. Idem pour la sénatrice socialiste Michèle André, qui salarie son fils Richard à Clermont-Ferrand. Notons que ce dernier ne risque pas d’être payé en retard, puisque c’est sa mère qui tient la vice-présidence de l’Agas, l’association qui gère les rémunérations des assistants de sénateur. L’Assemblée nationale est encore plus arrangeante : elle offre à chaque député un crédit global de 9 021 euros pour lui permettre de rémunérer à sa guise et au salaire qu’il souhaite de un à cinq collaborateurs. Corinne Raoult, assistante parlementaire de son mari, Eric, député-maire UMP du Raincy, en sait quelque chose. Mais la pratique des emplois familiaux n’est pas limitée aux assemblées parlementaires. Ainsi au conseil régional de Lorraine, où Natacha Masseret, chef de cabinet du président, se trouve être aussi sa fille. Ou encore à la mairie de Chartres, dont la communication est gérée par Mathilde Gorges, la cadette du maire. On pourrait continuer à l’infini.

    Logements de fonction : Des résidences somptueuses pour une poignée d’élus

    Pauvre Christian Poncelet… L’ancien président du Sénat n’aura même pas eu le temps de s’installer dans l’appartement qu’il s’était fait octroyer à vie pour sa retraite, et cela gratuitement. Quelques jours après l’élection de son successeur, au début du mois d’octobre, il a dû renoncer à cet avantage devant le tollé provoqué dans l’opinion. «Les chiens sont lâchés», s’est-il étranglé en préparant ses valises. On peut comprendre sa déception : situé dans l’un des quartiers les plus chers de Paris, face au jardin du Luxembourg, ce 200 mètres carrés avait été refait à neuf sur ses instructions.

    L’ex-président du conseil général de l’Oise, Jean-François Mancel, qui s’était fait aménager un petit palais de 500 mètres carrés pour son usage personnel. Ou encore son ancien homologue de la région Languedoc-Roussillon, Jacques Blanc, installé de 1986 à 2004 (date de la fin de son mandat) dans un superbe appartement de fonction en plein centre de Montpellier, au mépris de la légalité.

    Coût de cette folie immobilière : 232 000 euros en loyers et travaux, réglés par le conseil régional. «Je n’ai pas volé cet appartement, il y avait une ambiguïté juridique», se défend mollement l’ancien élu, qui vient d’être mis en examen pour détournement de fonds.

     

    Ceux qui peuvent se loger dans les ors en toute légalité ne se privent pas de le faire. Les questeurs du Sénat, Jean-Marc Pastor (PS, Tarn) et René Garrec (UMP, Calvados) disposent chacun d’un 350 mètres carrés ultrachic à l’angle des rues Bonaparte et de Vaugirard. Philippe Richert (UMP, Bas-Rhin) a droit pour sa part (il est premier questeur) à un hôtel particulier de 450 mètres carrés boulevard Saint-Michel, avec jardin privatif, majordome, deux cuisiniers, femme de ménage et lingère. Certes, le malheureux est tenu de mettre de temps à autre ses salons à la disposition de ses collègues sénateurs, lorsqu’ils reçoivent des hôtes de marque. Mais son appartement privé occupe quand même 250 mètres carrés et il dispose d’une vue imprenable sur le jardin du Luxembourg.

     

    Voitures avec chauffeur : Une quarantaine de berlines de luxe rien qu’à l’Assemblée nationale

     

    Philippe Madrelle, le président PS du conseil général de Gironde, a la fibre écolo. L’an dernier, il a donc troqué sa Vel Satis de fonction contre une berline moins polluante. Mais pas moins confortable. Au grand soulagement de son chauffeur, il a opté pour la Rolls des voitures hybrides, la bien nommée Lexus GS 450H Pack President. Ce bijou rejette un peu moins de CO2, mais, avec ses sièges en cuir à ventilation intégrée, elle coûte quand même 80 000 euros. Au moins ne peut-on pas reprocher à nos élus de ne pas soutenir l’industrie automobile, fût-elle japonaise ! Entre les maires des grandes villes, les présidents et vice-présidents de conseils généraux et les hiérarques parlementaires, ils sont des centaines à circuler avec des voitures à cocarde payées par le contribuable. Et pas des guimbardes !   Les autres s’en sont remis aux classiques Citroën C6, Renault Vel Satis et Peugeot 607, pas gratuites celles-là, et plus gourmandes en essence. Mais après tout, c’est la République qui paie…  Par faveur spéciale, tous les anciens présidents de l’Assemblée bénéficient à vie d’une berline avec chauffeur. Un petit privilège que ne dédaignent pas Laurent Fabius, Henri Emmanuelli et… la veuve de Jacques Chaban-Delmas.

    Retraites des Députés : Un régime spécial à faire pâlir d’envie un conducteur de TGV

    Etre député, c’est bien. L’avoir été, c’est mieux encore. Beaucoup d’électeurs l’ignorent, mais les élus à l’Assemblée nationale bénéficient en effet d’un régime spécial de retraite (par répartition) à faire s’évanouir même un conducteur de TGV. Non seulement la méthode de calcul de leurs pensions est archigénéreuse, mais les années passées dans l’hémicycle comptent double (à condition de cotiser au taux de 15,7%, au lieu de 7,85%). Grâce à quoi, pour un mandat de cinq ans, un ancien élu perçoit en moyenne plus qu’un salarié ayant trimé pendant quarante ans (1 549 euros par mois, contre 1 515). Mieux, pour 1 euro cotisé, les députés en reçoivent en moyenne 6,1 pendant leurs vieux jours, contre 1,5 au maximum (et parfois 0,87) pour les salariés du privé. Qui paie la différence ? Les contribuables, pardi ! Selon Pierre-Edouard du Cray, de Sauvegarde retraites, qui a levé le voile sur ce régime top secret, les députés ne financent que 12,3% de leurs retraites, le reste étant à la charge de l’Etat. A noter que les sénateurs sont moins exigeants. Leur régime spécial, qui, lui, fonctionne en capitalisation, leur sert des pensions tout aussi alléchantes. Mais eux parviennent à se le payer tout seuls.

    Frais de bouche: Des menus gastronomiques au prix du McDo

    Ce n’est peut-être pas la meilleure table de France, mais sûrement celle qui offre le meilleur rapport qualité-prix : le menu complet, fameux, selon un habitué, ne dépasse pas 18 euros, et les bons vins y sont proposés à prix coûtant. Problème : Le Mas d’Alco, installé dans une superbe demeure de Montpellier, n’est pas ouvert au public. Propriété du conseil général de l’Hérault, il est réservé à ses élus. Avis aux fins gourmets, ces derniers peuvent quand même en faire profiter leurs invités, au même tarif subventionné par la collectivité publique.

    On ne s’en étonnera pas, au pays de la bonne chère, les élus locaux aiment prendre leurs aises aux heures des repas. Bonne fille, la République leur paie volontiers le couvert. D’autant qu’entre la poire et les ortolans ils peuvent débattre des projets de rocade et des ouvertures de crèches. Au conseil général des Hauts-de-Seine, la table des élus est encore plus somptueuse qu’à Montpellier. Baptisée Le Ruban bleu, c’est un havre de paix niché au sommet du sinistre hôtel du département, à Nanterre.

     

    L’Assemblée nationale n’a peut-être pas si bien en magasin, mais elle offre davantage de choix. Lorsqu’ils ne vont pas flamber leurs indemnités de fonction Chez Françoise (leur table favorite située sous l’esplanade des Invalides) 
    ou à l’excellent mais très cher restaurant de poissons Le Divellec, les députés ont à leur disposition pas moins de trois «cantines» au palais Bourbon (en plus de la buvette et du self des employés). Le restaurant du 8e étage est réservé aux parlementaires, mais la salle du 7e admet les invités, moyennant une majoration de 6 euros au menu à 13,50 euros. Pour les hôtes de marque, une table plus chic et plus discrète, baptisée Le Petit Hôtel, est proposée dans l’allée de la Présidence. 
    Mais attention : le menu complet, assez raffiné, est un peu plus cher : 17 euros. Pour le prix, on a droit à un maître d’hôtel en gants blancs.

    Frais de représentation : les députés peuvent y puiser à loisir

    Pour justifier le train de vie de Julien Dray, soupçonné d’abus de confiance, son avocat a expliqué au début de l’année qu’il gagnait «plus de 15 000 euros mensuels comme député et conseiller régional». Problème : la loi sur le cumul des mandats plafonne les gains des parlementaires à 9 730 euros brut. Le fondateur de SOS Racisme aurait-il puisé dans son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour arrondir ses fins de mois ? Si oui, il ne serait pas le seul. En théorie pourtant, cette enveloppe mensuelle de 5 837 euros net (6 160 euros au Sénat), fournie par l’Assemblée et non soumise à l’impôt, sert à financer les frais des parlementaires : voiture, restaurants, costumes… Mais, comme aucun justificatif n’est demandé, il arrive que certains se laissent aller à puiser dans la caisse. «Chacun fait ce qu’il veut avec son IRFM, mais personne n’est à l’abri d’un contrôle fiscal», prévient le député UMP et premier questeur Richard Mallié. L’occurrence en est toutefois rarissime.

    Les députés européens ne sont pas non plus maltraités. Certes, en plus de leur indemnité de base (7 008 euros par mois pour les 78 élus français), ils ne disposent que d’un forfait mensuel de 4 202 euros net pour leurs frais généraux, ramené à 2 101 euros pour les députés qui n’assistent pas à la moitié des séances (3 à 4 jours par mois). Mais ils bénéficient en plus d’une indemnité de 298 euros par jour de présence à Strasbourg et à Bruxelles, lors des séances officielles. Pour pouvoir toucher cette somme, censée couvrir leurs frais d’hébergement et de repas, les députés, c’est la moindre des choses, doivent signer un registre pour prouver qu’ils sont bien là. Pourtant, en dépit du renforcement des contrôles, pas mal de petits malins se débrouillent pour faire signer leur assistant à leur place. Il n’y a pas de petit profit.

    Notes:

    LES AVANTAGES EN NATURE DES PARLEMENTAIRES ET DES NOTABLES

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