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    Pour gagner les coeurs et les esprits, tous les moyens étaient bons. Les Etats Unis organisèrent un combat idéologique , déclarant dès 1947, par une loi votée au Congrès, la «guerre culturelle, éducative et d'information». 

    Berlin Ouest,îlot du monde "libre".

    En 1953, Allen Dulles, directeur de la CIA:Les Cobayes de la CIA,La guerre froide et le projet MK-Ultra  prend la barre de l’Opération Mockingbird, qui couvre désormais 25 agences et organes de presse, dont Life et le New York Post. Le magnat de la presse Henry Luce (Time, Life, Fortune, Sports Illustrated) en devient l’un des piliers. Dès mars 1947, Luce,  un anticommuniste convaincu, avait déclaré dans les colonnes de Life, « la Troisième Guerre mondiale a commencé. Nous en sommes à l’étape des premières escarmouches. » Dans le même numéro figurait l’extrait d’un livre de James Burnham, qui en appelait à la « création d’un empire américain dominant le monde en pouvoir politique, instauré en partie par la coercition (y compris probablement par la guerre ou du moins, la menace de guerre) et dans lequel un groupe de gens détiendrait plus que sa part égale de pouvoir ». Le livre de Burnham prône par ailleurs l’établissement d’une « Fédération européenne sous égide américaine. » (The Struggle for the World, 1947)

     

    Vidéo:

    Quand la CIA infiltrait la culture en europe durant la guerre froide

    Quand la CIA infiltrait la culture [ ARTE ] - de Hans-Rüdiger Minow - 2006.
    Dans les années de l’après-guerre, les services secrets américains lancent une vaste opération d’infiltration des milieux européens de la culture. Ils lui consacrent plusieurs millions de dollars et s’appuient sur un organisme, le “Congrès pour la liberté de la culture”, dont le siège se trouve à Paris. La capitale française est un lieu stratégique pour publier des revues lues jusqu’en Afrique, en Amérique latine et dans les pays arabes. Le Congrès pour la liberté de la culture s’intéresse aux artistes et intellectuels de gauche, qu’il essaie de soustraire à l’influence marxiste et de gagner à la cause américaine. En France, la revue Preuves dirigée par Raymond Aron constitue le fer de lance de cette diffusion de la pensée anticommuniste.
    Ce documentaire montre comment les services secrets américains ont manipulé les milieux artistiques et intellectuels européens pendant la guerre froide. Beaucoup d’écrivains travaillèrent ainsi pour la CIA.

    Dans son livre Who Paid the Piper? The CIA and the Cultural Cold War (2000)  l’historienne britannique Frances Stonor Saunders détaille la guerre psychologique menée par la CIA sur le flanc gauche de la société occidentale d’après-guerre. Dès la fin des années 40, l’agence commence à infiltrer des associations étudiantes et des magazines censément indépendants (Partisan Review, Kenyon Review, le New Leader du philosophe Sidney Hook, Tribune et Encounter au Royaume-Uni, Preuves en France) ; sur sa lancée, elle organise des festivals, des conférences, des expositions, des colloques, des traductions d’auteurs, des concerts, et soutient des musiciens d’avant-garde comme Schönberg, des chorégraphes, des peintres abstraits et toute une cohorte éclectique, chic et cosmopolite d’acteurs, d’intellectuels et d’artistes qui, de leur plein gré ou inconsciemment, se battront tous à gauche contre la "subversion communiste". Les financements, souvent somptueux, sont assurés par diverses courroies de transmission de la CIA telles que les fondations dites « philanthropiques » Ford, Rockefeller, Fairfield, etc.

     

    En France, le Congress for Cultural Freedom,  une organisation culturelle fondée par la CIA en 1950, établie à Paris et qui compte des annexes dans 35 pays, est l’une des chevilles ouvrières majeures de l’offensive sur le front gauche. Il regroupe toutes sortes d’iconoclastes et de libres-penseurs réunis autour de refus du « totalitarisme stalinien » et de la défense de la « liberté occidentale ». L’Europe, avec ses anciens cercles intellectuels souvent anti-impérialistes et idéologiquement proches du communisme, se retrouve ainsi au centre des préoccupations de la CIA et en première ligne de la guerre psychologique.

     

    Les opérations se déroulent sur deux tableaux : d’une part, la promotion d’auteurs libéraux ou déçus du communisme tels qu’Arthur Koestler, André Gide ou Raymond Aron et d’autre part, la neutralisation des critiques contre les politiques de Washington par la valorisation de la culture américaine. « Le Congress lui-même est né d’une conférence d’intellectuels à Berlin Ouest en juin 1950. Outre qu’elle [la conférence de Berlin] a lancé le Congress, elle a aidé la stratégie émergente de la CIA de promotion de la gauche non-communiste — la stratégie qui allait rapidement devenir la base théorique des opérations politiques  de l’agence au cours des deux décennies suivantes » – Michael Warner, historien attaché au Département de la défense US et historien officiel de la CIA. 

     

    De la guerre froide à aujourd'hui,la culture sous influence ...

    Hollywood et la CIA

     

    Dès les débuts de l’opération de contrôle de l’opinion publique dite « Operation Mockingbird », le cinéma, l’un des principaux vecteurs de propagande de masse, figure évidemment dans les avants-postes où la CIA souhaite s’installer. Il s’avérera des plus consentants. Selon l’historien Hugh Wilford dans The Mighty Wurlitzer: How the CIA Played America (2008),  « deux facteurs prédisposaient l’industrie cinématographique à une attitude volontariste dans la guerre froide culturelle. L’une, une forte tendance à l’autocensure, résultait de nombreuses années d’expérience dans l’évitement d’offenses à des groupes de pression intérieurs (…) ou à des publics étrangers, à cause de leurs effets commerciaux désastreux. L’autre tenait au fait que les hommes qui dirigeaient les studios étaient intensément patriotes et anticommunistes. »

     

    De sorte que Frank Wisner recrute aisément plusieurs poids lourds de l’industrie cinématographique, dont John Ford, John Wayne, Cecil B. DeMille (Paramount Pictures), Darryl Zanuck (Twentieth Century-Fox) et Howard Hughes (RKO Pictures). Avec leur accord, des agents infiltrés, recrutés au sein des équipes existantes de scénaristes ou embauchés dans ce but veilleront à la pureté idéologique anticommuniste des scénarios des différents studios de Hollywood et « à y insérer les bonnes idées avec toute la subtilité requise. » – C. D. Jackson, 8 agent de liaison entre la CIA et le Pentagone, spécialiste des questions de guerre psychologique, d’affaires internationales et de planification de la guerre froide.

     

    La CIA comme mécène

    C’est alors la CIA (en plein maccarthysme!), qui va jouer le rôle de mécène, finançant secrètement la promotion culturelle à l’étranger au travers de fondations (Ford, Farfield, etc.) ou de musées, en particulier le Museum of Modern Art, à New York.

     

    En Europe, l’agence centrale de renseignement s’appuie principalement sur le Congrès pour la liberté et la culture, dont le siège est à Paris. Cette association anticommuniste, fondée en 1950 à Berlin, réunit de nombreux intellectuels européens, dont Raymond Aron ou le Suisse Denis de Rougemont.

     

    Le cercle publie des revues (Preuves, Der Monat, Encounter…), organise des conférences, expos et concerts, soutient l’émigration d’intellectuels lors de l’insurrection de Budapest. Tout cela avec les montages financiers très discrets de la CIA. A son apogée, le cercle est actif dans 35 pays.

     

    Autant dire que la révélation, en 1964, du soutien occulte de la CIA, fait scandale. La légitimité de l’association s’écroule.

     

    De la guerre froide à aujourd'hui,la culture sous influence ...

    Mais la culture américaine est déjà bien implantée. Elle influence toujours l’Europe aujourd’hui…

    Les médias en première ligne face au «péril rouge»

     

    Presse, radio, cinéma, BD… tous les moyens étaient bons pour la propagande américaine.

     

    Dans leur guerre idéologique contre le «péril rouge», les Etats-Unis ont largement fait appel aux médias. Dès 1948, la CIA lance l’Opération Mokingbird (Oiseau moqueur), recrutant journalistes et agenciers. Ce discret contrôle médiatique, contrôlé en personne par le directeur de la CIA Allen Dulles dès 1953, se prolongera au moins jusqu’en 1976, embrigadant au total plus de 400 journalistes, reporters et correspondants étrangers.

     

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    Autre vecteur de propagande, la radio. L’antenne publique Voice of America, diffusée en 45 langues en 1951, porte la «voix de l’Amérique» à 100 millions de personnes. Après la mort de Staline, les programmes se font plus subtils, mettant en valeur la classe moyenne pour démonter le préjugé soviétique d’une Amérique de millionnaires et d’ouvriers exploités. Le jazz puis le rock’n’roll s’installent.

     

    De la guerre froide à aujourd'hui,la culture sous influence ...

    Parallèlement se développent Radio Free Europe et Radio Liberty. Plus virulentes à l’égard de l’URSS, elles sont financées en sous-main par Washington. En 1980, leur budget est de 87 millions de dollars.

     

     

     

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    En bande dessinée, Captain America vient à la rescousse. Mais le super-héros, reconverti en «écraseur de communistes», fait un bide. Il sera retrouvé par les Avengers en 1964… congelé dans un iceberg! 

     

     

    La contre-offensive : le sénateur Frank Church au Congrès

     

    Mais tout le monde n’est pas dupe. En mars 1967, Le journaliste Sol Stern dénonce l’infiltration de la CIA dans les organisations étudiantes américaines et, au passage, dans tout le système des organisations pro-communistes en Europe, en Asie et en Amérique du Sud dans un long article, NSA and the CIA, publié par Ramparts Magazine.  La confiance de la gauche américaine s’effondre, mais rien n’enraye la machine à propagande de la CIA ; elle passera simplement par des voies détournées déjà bien établies, en particulier ses antennes européennes et sud-américaines. Autrement dit, sa propagande viendra désormais de l’étranger.

     

    Il faudra dix ans de plus et un scandale pour que le Congrès des USA s’en inquiète. A la suite du Watergate, deux commissions seront créées pour enquêter sur les activités du FBI, de la CIA et de la NSA, dont celle du sénateur Frank Church. Le 29 avril 1976, l’enquête officielle 11 sur les activités de la CIA du Church Committee 12 délivre son rapport final 13 au Congrès des USA, « La CIA entretient un réseau de plusieurs centaines d’individus étrangers à travers le monde, qui fournissent des indications à la CIA et tentent parfois d’influencer l’opinion à travers de la propagande déguisée. Ces individus fournissent à la CIA des accès directs à un grand nombre de journaux et de périodiques, à des dizaines de services de presse et d’agences d’information, à des stations de radio et de télévision, à des éditeurs de livres et autres supports médiatiques ».Longtemps, le scandale du Watergate fut considéré comme un tournant qui vit une nouvelle génération d’élus entrer dans un Congrès américain aux pouvoirs accrus. Dans un contexte de Guerre Froide, cette période de renouveau de la vie politique a amené Jimmy Carter à la tête de la maison blanche.

     

    6/7/1983 United States President Ronald Reagan during a meeting with Alexandre de Marenches in the Oval Office.

    La War Powers Resolution oblige désormais l’exécutif américain à passer par le Congrès pour l’organisation d’ intervention militaire ou des ventes d’armes, le secrétaire d’Etat Henry Kissinger propose à plusieurs pays arabes, enrichis par la montée des prix du pétrole, de financer des opérations militaires secrètes pour stopper la propagation de l’influence soviétique en Afrique et au Moyen-Orient. Un moyen efficace de poursuivre les intérêts américains sans en assumer les responsabilités en cas d’échec des opérations. La mise en place du projet est confiée au patron du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage français (SDECE), Alexandre de Marenches qui pendant la Seconde Guerre mondiale est d'abord germanophile et pétainiste.

     

     

     

     

    Selon le rapport, l’une des pratiques préférées de la CIA consiste à faire publier des articles et essais biaisés dans des médias étrangers, d’où une fois traduits en anglais, ils reviennent aux USA. Les livres suivent le même parcours. La CIA fait publier des livres à l’étranger, puis en commande des critiques élogieuses à des agents-maison implantés dans la presse des USA, préférentiellement dans des publications prestigieuses comme le New York Times. De là, le livre en question entre dans les circuits de promotion littéraire américains, notamment universitaires, d’où il repart en Europe auréolé d’une gloire littéraire entièrement factice. Le sénateur Church écrit, « par exemple, la CIA fait éditer des livres pour des raisons opérationnelles, sans tenir compte de leur viabilité commerciale. Plus de mille livres ont été publiés, financés ou parrainés par la CIA jusqu’en 1967. »

     

    En résumé, une fois traduits en anglais, tous ces livres arrivent dans les librairies, bibliothèques, articles de presse et cercles universitaires américains, où ils sont lus, critiqués et débattus par des gens (journalistes, professeurs, élèves, groupes de lectures, conférenciers, critiques littéraires) qui, dans leur vaste majorité, n’ont pas conscience de leur caractère de propagande.

     

    En mai 1976, le Sénat instaure un comité sénatorial censé garantir la conformité des activités des services de renseignements avec la Constitution des USA, le Senate Select Committee on Intelligence. 14 L’Opération Mockingbird, quant à elle, est déjà officiellement du passé ; le directeur de la CIA d’alors, un certain George H. W. Bush, en a clôturé les activités, au moins en partie, en février 1976 – deux mois avant la présentation finale du rapport Church au Congrès.

     

    Le journaliste d’investigation Carl Bernstein donnera des éléments supplémentaires sur l’Opération Mockingbird un an après sa fin officielle (octobre 1977, Rolling Stone ). Selon les données récoltées par Bernstein, 400 journalistes américains ont effectivement secrètement travaillé pour la CIA au cours des vingt-cinq années précédentes : « Quelques-uns de ces journalistes étaient des lauréats du prix Pulitzer, des reporters distingués qui se considéraient comme des ambassadeurs sans portefeuille pour leur pays. La plupart étaient moins glorieux : des correspondants étrangers qui trouvaient une aide dans leur travail par leur collaboration avec la CIA, des journalistes locaux et des pigistes aussi intéressés par les risques de l’espionnage que par le fait de placer des articles et, dans la dernière catégorie, des employés à plein temps de la CIA se faisant passer pour des journalistes à l’étranger ».

     

    Au cours des années 90, l’activiste Steve Kangas,  le journaliste d’investigation Angus Mackenzie  (Rolling Stone, Mother Jones, Washington Post, San Francisco Examiner) et d’autres ont réfuté la cessation de l’Opération Mockingbird.

    En 2014, le journaliste allemand Udo Ulfkotte, du Frankfurter Allgemeine Zeitung, a révélé dans son livre Gekaufte Journalisten (Journalistes vendus) que la CIA continue à commander, insérer et publier des articles de propagande dans la presse européenne. Le livre, un best-seller en Allemagne, a récemment été traduit en anglais (2016) sous le titre Journalists for Hire: How the CIA Buys the News.

    Vidéo:La face cachée de l’art américain

    Un véritable plan culturel secret se met en place, avec l’objectif de favoriser l’émer­gence d’artistes américains sur la scène mondiale. En 1947, une grande exposition ­itinérante en Europe présente 79 œuvres de peintres américains. La polémique éclate lorsque l’on apprend qu’elle a été financée par le département d’Etat, le ministère des affaires étrangères. Quelques années plus tard, et c’est l’un des moments les plus intéressants de ce documentaire, la CIA n’hésitera pas à financer, à travers des fon­dations, d’autres opérations de ce type. Le soft power à l’américaine ne s’embarrasse pas de principes en pleine guerre froide…

    Europe Hollywood

    L'ancien rédacteur en chef du Frankfurter Allgemeine Zeitung, l'écrivain Udo Ulfkotte est décédé à l'âge de 56 ans. Alors qu'il avait été interdit aux médias allemands d'évoquer sa personne ces dernières années, ils ont été obligés maintenant de constater que le journaliste avait succombé à une « crise cardiaque ».

     

    Sa mort éveille d'autant plus de questions parce qu'il était surtout connu pour son livre-dénonciateur « Journalistes qui s'achètent »

    Un journaliste allemand qui a dénoncé la CIA retrouvé mort

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    Le monde libre,n'est plus

    L'époque de la guerre froide a été un point culminant de l'histoire de l'Occident. Un bien être sans pareil, de vraies libertés, un extraordinaire progrès social, d'énormes découvertes scientifiques et techniques, tout y était ! Mais, l'Occident se modifiait aussi presqu'imperceptiblement. L'intégration timide des pays développés, commencée alors, constituait en fait les prémices de la mondialisation de l'économie et de la globalisation du pouvoir auxquels nous assistons aujourd'hui. Celle-ci a, dès le départ, été pensée en termes de structures verticales, dominées par un pouvoir supranational.Depuis le monde est dominé par une force unique,  une idéologie unique,  un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a débuté, elle aussi, à l'époque de la guerre froide, quand des superstructures transnationales ont progressivement commencé à se constituer sous les formes les plus diverses.

     

    Notes:

    Déclassifié : Operation Mockingbird, la guerre froide culturelle de la CIA

    le jazz et le rock ont fait avancer la cause du libéralisme américain

    La guerre froide culturelle de la CIA

    « La Face cachée de l’art américain » : l’art, arme de domination culturelle

    Safari Club : Une deuxième CIA, de la guerre froide au financement du djihadisme

     

     

    Alexandre de Marenches

    « Harcèlement, espionnage et chantage. Samsung Choose FranceLa crise comme moyen de gouvernement de la société »
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