• Néolibéralisme,l'idéologie prend le pouvoir

    Jusqu’à présent, les cabinets d’avocats pouvaient s'enorgueillir de conseiller ou d’influencer un gouvernement. C’est désormais le gouvernement qui fait appel aux cabinets d’avocat. Désavouant dans le même mouvement le travail des administrations .

    Laisser à une entreprise privée la haute main sur ces questions, c’est donc donner un blanc-seing(,Signature apposée d'avance sur une feuille de papier laissée blanche en tout ou en partie, à l'effet de recevoir une convention ou une déclaration`` ) à la vision portée par cette même entreprise, qui n’a peut-être que peu à voir avec l’intérêt général. On connaissait en France la remise d’amendements clefs en main à des députés par des entreprises privées et des lobbies, mais jamais un gouvernement n’avait eu recours à une entreprise pour l’écriture d’une loi.

    Le gouvernement a décidé de faire appel à un cabinet d'avocat pour écrire l'exposé des motifs de sa loi sur les mobilités ainsi qu'une étude d'impact du texte. Un choix sans précédent qui pose la question de l'influence du privé, et de ses intérêts, sur la prise de décisions au sommet de l'Etat.

    Le ministère des transports a procédé à un appel d’offre éclair visant à sous-traiter l’écriture d’une partie de sa loi sur les mobilités, dévoilée à la fin de l’année dernière. A l’époque, à peine quelques lignes dans le Canard enchaîné, toujours bien informé, et qui s’étonne de voir la captation par un cabinet privé d’un rôle « normalement dévolu au ministère proposant le texte ».

     Largement pratiqué dans les pays anglo-saxons, le recours à des cabinets de conseil et d’avocat pour l’élaboration de certaines lois, reste très mal vu en France. 

    Le fait de recourir à des acteurs privés est perçu comme une forme de renoncement de l'Etat à ses prérogatives et comme une dérive conduisant immanquablement à des risques de conflit d’intérêt.

    D’autant que l’exposé des motifs d’une loi est un document particulièrement sensible car c’est un texte éminemment politique. Comme l’explique un article du Monde au sujet de cette affaire, l’exposé des motifs « n’est autre que l’argumentaire politique du gouvernement envers les députés », une introduction visant à faire connaître l’esprit et la finalité de la loi et qui la replace dans une vision du monde subjective, politisée.

    Loin de l’illusion d’un gouvernement des experts, fonctionnant autour de cabinets ministériels efficaces, resserrés, s’appuyant sur la connaissance neutre et chiffrée des spécialistes d’un sujet, l’élaboration d’une loi repose évidemment sur des prémisses politiques, idéologiques même. 

    Laisser à une entreprise privée la haute main sur ces questions, c’est donc donner un blanc-seing à la vision portée par cette même entreprise, qui n’a peut-être que peu à voir avec l’intérêt général. On connaissait en France la remise d’amendements clefs en main à des députés par des entreprises privées et des lobbies, mais jamais un gouvernement n’avait osé recourir à une entreprise pour l’écriture d’une loi.

    Si bien que ces cabinets d’avocat sont désormais obligés de s’inscrire sur le registre de transparence du Parlement, qui répertorie l’ensemble des lobbyistes opérant dans les murs de l’Assemblée et du Sénat, au même titre que les cabinets de conseil par exemple. 

    En l'occurrence, c’est le cabinet d’avocat international, Dentons, qui a été choisi par le gouvernement. Un cabinet dirigé par Marc Fornacciari, ancien maître des requêtes au Conseil d’État et spécialiste des transports et des infrastructures. Après une longue carrière dans le public, puis chez Suez Environnement, cet énarque, est devenu avocat.

    L'avocat premier de cordée pour Dentons à Paris ...

    Ce que révèle cette décision du gouvernement, c’est donc la circulation incessante entre le politique, l'administration et le barreau mais aussi la proximité croissante entre élites du public et du privé. Avec tous les problèmes que cela pose en matière de conflits d’intérêts et de captation de l’intérêt général par des volontés d’ordre privé. 

    Cette affaire pose aussi la question de la préséance croissante du privé sur le public. Alors que, jusqu’à présent, les cabinets d’avocats pouvaient s'enorgueillir de conseiller ou d’influencer un gouvernement. C’est désormais le gouvernement qui fait appel aux cabinets d’avocat, comme un gage de qualité et d’efficacité. Désavouant dans le même mouvement le travail des administrations centrales. 

    C’est d’ailleurs ce qu’explique ce même article d’AOC, qui pointe l’absurdité d’un système d’externalisation de l’expertise publique, facturée à l’Etat par d’anciens commis de l'Etat, bien souvent formés par ce même État. On notera tout de même que les rémunérations dans ces cabinets de conseil et d’avocat sont bien plus élevées que celles ayant cours dans l’administration.

     

    Des membres de lrem expliquent aujourd’hui que cette démarche était rendue nécessaire par la diminution de la taille des cabinets ministériels, voulus par ce même gouvernement. Une explication qui ne manque pas de nous faire penser à la logique qui a prévalu dans le rail public : la diminution de la fréquence des trains, servant de cause et d’explication à la décision de fermer les petites gares en région.

    Déjà, pendant la campagne présidentielle, le cabinet était en contact avec l’équipe du candidat Macron

    Plus encore que le marché en lui-même, ce sont  les relations de longue date qui existent entre le cabinet et le ministère qui doivent cependant nous interroger.

     

    Benjamin Griveaux

    Une surprise est ainsi venue de celui qui a remporté ce marché public express. Dentons est en effet un cabinet d’avocats d’affaires international, représenté par 9000 avocats dans 78 pays. Dirigé à Paris par Marc Fornacciari, énarque et ancien maître des requêtes au Conseil d’Etat, le bureau parisien comprend 46 associés, 5 seniors qualifiés de « counsels », 22 autres « counsels » et 51 autres collaborateurs. Parmi ces counsels, on note la présence de Dorothée Griveaux, sœur de Benjamin Griveaux. Diplômée de Sciences Po et de l’université Paris II Panthéon-Assas, spécialisée en droit public, elle a rejoint le cabinet en 2008 avant d’être promue counsel le 6 mars 2017.

    Notes:

    Quand le gouvernement sous-traite l'écriture de ses lois

    QUAND L’ACTION PUBLIQUE DEVIENT UN MARCHÉ

     

    « Plus d'état pour contrôler la "vérité"dans le monde du "nouveau"..Traces de sang sur les "réformes" »
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