Kennedy en visite officielle à Berlin en 1963
"Ich bin ein Berliner", clamait fièrement Kennedy en 1963, depuis le balcon de l'hôtel de ville de Schöneberg. Il semble qu'aujourd'hui les Berlinois de longue date soient de plus en plus agacés par ceux qui l'ont un peu trop pris au mot.
L'influence qu'exerce Berlin sur la jeunesse européenne entraîne des répulsions au sein de la ville. Depuis quelques années, les protestations se multiplient du côté des riverains, à la fois contre les hordes de touristes et la gentrification de la ville.
À Kreuzberg, quartier pourtant réputé pour sa tolérance, les écologistes ont fait un carton avec un débat intitulé : "Au secours, les touristes viennent !" À Neukölln, des tags anti-hipsters fleurissent sur les boutiques branchées pour dénoncer des étrangers venus profiter durant quelques mois de la bohème berlinoise, avant de repartir sans avoir appris un seul mot d'allemand.
"Les gens d'ici en ont assez de voir leur environnement et leur mode de vie dénaturés par la gentrification et la hausse des loyers"
Après avoir empêché l'arrivée d'un "campus Google", des Berlinois font bloc contre la "gentrification" de la capitale.
nous avons mené campagne dans le quartier et sur les réseaux sociaux, balancé de la peinture sur la façade du bâtiment, organisé des concerts de casseroles, imprimé des autocollants et des brochures, rédigé des articles, mis l'accent sur l'évasion fiscale façon Google, dénoncé leur coopération avec l'industrie des drones militaires et créé le site :Fuckoffgoogle.de
"Google n'est pas un bon voisin"
Au bout du compte, tout le voisinage s'est mobilisé ; en témoignent les graffitis et affiches anti-Google un peu partout dans le quartier clamant "Google ist kein guter Nachbarn" (Google n'est pas un bon voisin). Au final, la firme américaine a compris que la résistance locale nuirait à son image internationale. Elle a donc (provisoirement ?) jeté l'éponge. "Ils ont bien fait, juge le militant anti-Google, car l'inauguration aurait à coup sûr été accompagnée de jets de tomates."
Ce n'est pas un hasard si cette défaite du géant du Web s'est produite à Berlin, et plus précisément à Kreuzberg. Berceau de la contestation à l'allemande, ici sont nées, l'écologie et l'organisation Fraction armée rouge, nombre d'idéaux des années 1970
Les grands projets de développement immobilier, après la chute du Mur, n'ont pas abouti. Le milieu nocturne du début des années 1990, très anarchique et dépendant des squats, a ainsi eu le temps de se professionnaliser, pour former une scène techno très indépendante et pas commerciale. Et puis il y a l'émergence des compagnies aériennes low cost. La jeunesse européenne a découvert qu'il était aussi peu coûteux de prendre un vol pour Berlin que de prendre un taxi à Paris ou à Londres.
«La hausse des visiteurs venant de Londres, de New York et de San Francisco ne se traduit pas seulement par des essaims de non-germanophones alcoolisés dans les parcs de Berlin mais par l'avancée d'un capitalisme de masse globalisé à l'intérieur de la bulle anarcho-bohème de Berlin. Cela signifie des prix en hausse pour les habitants et par conséquent l'obligation de travailler plus et en fin de compte moins d'opportunité de faire la fête trois jours durant.»
Le blog américain Gawker s'est immédiatement rangé derrière cet avis, titrant laconiquement: «Berlin est finie. Quelle est la prochaine?»
The New York Times, quant à lui, compare Berlin à Brooklyn. Selon le quotidien américain, la capitale allemande ne serait qu'une annexe de ce quartier ultra-gentrifié, prisée des fêtards new-yorkais frustrés, pour sa bière bon marché, ses clubbers sympa et la sécurité de ses rues.
La ville de Berlin pourrait interdire son marché immobilier aux étrangers. Son maire a confié récemment dans une interview qu’il «réfléchissait» à cette mesure, en vue d’endiguer la spéculation qui touche la capitale allemande.
Interrogé par un journal allemand, le maire de Berlin, Michael Müller, a déclaré que les étrangers pourraient être interdits d’accès à la propriété dans sa ville, à quelques exceptions près. L’édile confie être inspiré par l’exemple de la Nouvelle-Zélande, qui a récemment voté une loi en ce sens. «Nous y réfléchissons aussi», a-t-il annoncé au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. Tout comme l’archipel du Pacifique Sud, la capitale allemande fait face à une flambée des prix de l’immobilier. Les investisseurs étrangers sont accusés, dans les deux cas, d’être en partie responsables de cette situation.
Le maire a demandé au sénat de Berlin - une autorité locale, à la différence du Bundestag - d’étudier une série de propositions afin de restreindre l’accès à la propriété. «Nous sommes en train de prendre une approche constructive et flexible», a confié Michael Müller, visiblement soucieux de rassurer les habitants de la ville. Plusieurs manifestions ont été organisées contre les prix du logement ces derniers mois. Depuis 2004, le montant moyen dépensé pour l’achat d’une résidence a grimpé de 120%, relève le cabinet Knight Frank. Quant aux loyers, bien qu’encadrés dans la capitale allemande, ceux-ci sont aussi en augmentation constante. Et l’impact est d’autant plus fort que près d’un Berlinois sur deux est locataire.
Ce phénomène de spéculation détonne avec l’image de Berlin, longtemps considérée comme une cité accueillante. Mais poussée par une importante croissance démographique - la ville pourrait abriter un demi-million d’habitants supplémentaires d’ici 2030 -, les logements commencent à se faire rares dans la capitale, causant une hausse logique des prix immobiliers. Une étude estime qu’environ 310.000 habitations abordables manquent à l’appel à Berlin.
La capitale allemande est désormais la ville où les loyers augmentent le plus vite au monde.
«Les locataires ne sont pas des citrons!», proclamaient en 2018, les Berlinois, descendus dans la rue pour protester contre la flambée des prix de l'immobilier dans les grandes villes allemandes. Entre 10.000 et 25.000 personnes manifestaient ainsi dans le centre de Berlin à l'appel de plus de 250 associations pour la «Résistance contre l'exclusion et la folie des loyers». Longtemps réputée pour offrir des logements à bas prix, Berlin est désormais la ville où ils augmentent le plus vite au monde, selon une étude menée par le cabinet de conseil britannique Knight Fox. Ils ont bondi de 20,5 % entre 2016 et 2017.
Depuis 2004, ils se sont même envolés de 120 %. Scandant «quand les loyers augmentent, nous appelons à l'expropriation!», les manifestants ont exigé une plus forte régulation d'un marché du logement qui «favorise la spéculation et empêche la construction de logements». Alors que les associations estiment que les appartements deviennent inaccessibles à beaucoup d'habitants, une étude publiée par la fondation allemande Hans-Böckler a révélé qu'il manque 1,9 million de logements abordables en Allemagne, dont 310.000 à Berlin.
Les autorités avaient tenté d'améliorer la situation en adoptant une politique anti-Airbnb très stricte, mais sans parvenir à la faire respecter, malgré l'appel aux dénonciations anonymes sur Internet. La mairie de Berlin s'est même résignée à l'assouplir en autorisant les locations de résidences principales, et même secondaires à certaines conditions.
Berlin-Est l'Alexanderplatz années 70 avant la "réunification".A se demander lequel des deux cotés était réellement l'îlot du monde libre.
Les Berlinois sont pris de court par la spéculation immobilière. "Nous autres, habitants de la capitale, n'avons jamais eu la "culture de la propriété", explique le réalisateur engagé Matthias Coers, résident de Kreuzberg et auteur du documentaire Mietrebellen (Locataires rebelles). Posséder un bien immobilier n'était pas constitutif de l'identité des Berlinois. Au contraire, ici, 85% des gens étaient locataires. Aussi, grâce à la modération des loyers, la classe moyenne possédait les moyens de partir en vacances deux fois par an. Ce n'est plus le cas aujourd'hui."
Les gens commencent à comprendre que les fonds de pension ou les sociétés internationales désireuses d'acheter tout Berlin et de dicter le prix des loyers sont allés trop loin."
Le rapport de force entre le capital et le travail s'inverse. Avant novembre 1989, les travailleurs profitaient indirectement de la crainte du communisme - pour limiter les risques de révolution, les entreprises et les Etats consentaient des augmentations de salaires régulières et des droits sociaux étendus. Et c'est aujourd'hui au contraire le détenteur de capital qui profite d'un monde ouvert, dans lequel il peut faire circuler son argent comme bon lui semble pour profiter des opportunités de rendement ou de taxation favorables.
La chute du Mur a signé la victoire du rentier.
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Le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d'emploi devait beaucoup à l'épouvantail communiste. L'attaque massive contre les droits sociaux à l'Ouest a commencé avec la chute du rideau de fer.
Notes:
Le maire de Berlin envisage d’interdire l’achat immobilier aux étrangers