Dans la France du XXIe siècle, l'idée d'augmenter les salaires a quasiment disparu . Dix années de crise ont signifié pour la plupart des salariés dix années de blocage des revenus, voire une baisse pour pas mal d'entre eux. Le Smic, instrument autrefois utilisé pour doper les salaires des classes moyennes, par effet de ruissellement , n'a plus connu de coup de pouce depuis lors.
Fracture sociale,pas de changement en vue
La France d'en bas voit ses revenus bloqués, alors que celle d'en haut s'en sort mieux. Non seulement les inégalités sociales se sont accrues avec la fiscalité mais la consommation retrouve un caractère de classe.
« Depuis la fin des Trente Glorieuses, le pouvoir d'achat des Français a diminué »
L'expression "Trente Glorieuses" désigne la période d'une trentaine d'années qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, jusqu'au premier choc pétrolier de 1973. C'est, pour les pays industrialisés occidentaux, une période de prospérité exceptionnelle. Les "Trente Glorieuses" se caractérisent par une forte croissance économique, le plein emploi, l'accroissement rapide du pouvoir d'achat et l'essor de la consommation de masse.
L'expression a été inventée par l'économiste français Jean Fourastié (1907-1990) dans son livre "Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975", publié en 1979. Elle fait référence aux "Trois Glorieuses", les journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830. L'auteur, professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers et membre de l'Institut, met en évidence dans cet ouvrage consacré à la France cette expansion continue et exceptionnelle.
Les historiens estiment que le mode de vie des français a plus évolué durant ces trois décennies que durant les deux siècles précédents et que le niveau de vie a été multiplié par 5 de 1945 à 1975, permettant un rattrapage technologique vis-à-vis des Etats-Unis. Le Produit intérieur brut (PIB) a été multiplié par 4,5 entre 1947 et 1973, ce qui correspond à une croissance annuelle moyenne record de 5,9%.
La durée de cette période de croissance peut s'expliquer par :
le travail des femmes qui augmente le revenu du foyer,
le "baby boom" et l'accroissement de l'espérance de vie qui augmentent le nombre de consommateurs,
la sécurisation des revenus par l'Etat-Providence : création de la Sécurité sociale, des Allocations Familiales, des régimes de retraite, instauration en 1950 du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG),
l'augmentation de la durée des congés payés (troisième semaine de congés payés en 1956, et quatrième en 1965) qui favorise le développement des dépenses de loisirs.
Définition des "Trente Glorieuses"
Emmanuel Macron en 2018, plutôt que de réduire les cotisations sociales des salariés en même temps qu'il augmentait la CSG, son gouvernement a préféré engranger d'abord les milliards de hausse de la CSG, plutôt que de réduire les cadeaux aux plus riches. Un choix qui s'est ressenti dans le portefeuille des Français, puis sur la croissance elle-même, devenue une des plus faibles de la zone euro.« L'idée de soutenir le pouvoir d'achat est étrangère au programme de Macron, qui centre sa politique sur la compétitivité des entreprises françaises. Du coup, les soi disant baisses de taxes pour les salariés sont alimentées par la hausse de la CSG sur les retraités. Un système de vases communicants qui ne produit aucune hausse sensible du pouvoir d'achat global ».
Supprimer l'ISF ralenti la croissance
Comment l'Insee sous-évalue votre perte de pouvoir d'achat.
Dans son livre Pouvoir d'achat, le grand mensonge, l'économiste Philippe Herlin, remet en cause les méthodes de calcul officielles du pouvoir d'achat, qui masquent selon lui une perte réelle depuis les années 70. il confie : « J'ai voulu prendre du recul pour bien comprendre ce que les Français vivent »
Philippe Herlin a reconstitué une histoire des prix entre 1965 et 2015 à partir de catalogues de ventes par correspondance, de brochures publicitaires de supermarchés notamment. C'est donc chiffres à l'appui qu'il conteste les méthodes de calcul de l'INSEE.
Par un certain nombre de biais l'inflation est sous-estimée par l'INSEE (...)
Le pouvoir d'achat c'est la différence entre l’augmentation des salaires et l'inflation. Connaître l'augmentation des salaires c'est assez facile car tout est déclaré aux impôts, c'est une donnée simple à obtenir. Par contre mesurer l'inflation c'est déjà plus compliqué il faut faire des hypothèses : on détermine un panier des ménages en essayant de faire en sorte qu'il représente au mieux les habitudes de consommation de l'ensemble des Français. Philippe Herlin
Dans ce fameux panier de l'indice des prix à la consommation le logement pèse pour 6% ce qui est un chiffre ridicule, il n'y a quasiment aucun français qui ne consacre 6% au logement (...) C'est plutôt 15/20% du budget des ménages. En minorant le logement on efface toute la hausse des prix du logement qui a eu lieu en France un peu au début des années 90 et surtout depuis les années 2000.(...) Toute cette hausse des prix des loyers, des crédits immobiliers, est complètement passée à l'as dans l'indice des prix à l'INSEE, c'est le premier gros facteur de minoration de l'indice des prix en France. Philippe Herlin
Un autre procédé contestable utilisé par l'INSEE qui contribue à rogner la hausse des prix c'est"L'effet qualité".
"L'effet qualité" apparaît le plus important dans les produits technologiques mais aussi des produits alimentaires. Pour bien comprendre cet effet qualité : si vous achetez un nouvel iPad et que le prix est plus élevé que l'ancien, pour vous c'est clairement une perte de pouvoir d'achat parce qu'il coûte plus cher ! Mais l'INSEE va considérer que comme ce nouveau modèle est plus puissant, qu'il a plus de fonctionnalités, vous en avez plus pour votre argent donc "nous l'INSEE" on va mettre un prix égal ou même inférieur à l'ancien, ce qui fait que pour l'INSEE il n'y aura pas de hausse des prix... Ça tire vers le bas l'indice.
Le panier moyen des produits de consommation courante des Français n’a jamais été aussi cher . Les hausses de prix sont sensibles jusque dans les enseignes de hard discount.
Le prix moyen du panier, calculé sur la base de 35 produits de consommation courante répartis en 13 catégories, n’a jamais été aussi cher, à 139,50 €, soit une hausse de 2,6 % par rapport à 2017.
En ce qui concerne les « premiers prix », « une hausse particulièrement remarquable », de 6,9 % en moyenne, de ce type de produits, « et jusqu’à 13,4 % dans les hard-discounts ».Or, « contrairement à une idée reçue, les prix les plus bas se trouvent en hypermarchés et non en hard-discounts où ils ont littéralement explosé en 2018 (+14 % en un an) ».
Entre 2008 et 2018, le panier « premier prix » a ainsi pris 4,9 %, à 104,80 € : « depuis 2014, le prix de ce panier n’a cessé d’augmenter avant d’atteindre son point culminant cette année », souligne Familles rurales, qui « s’inquiète de cette situation qui pénalise principalement les budgets les plus contraints »
Le mouvement des Gilets jaunes, commencé mi-novembre, a débuté par un refus de la hausse des taxes sur les carburants, et plus largement en raison d’inquiétudes des Français les plus modestes sur leur pouvoir d’achat.
Quelque chose cloche . Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas vivre correctement de son salaire dans ce pays ?
Pendant 30 ans, Alain a été animateur dans un centre de formation des apprentis du bâtiment. Il gagnait à l’époque 2000 € par mois, plus un treizième mois. «J’ai l’impression qu’au milieu des années 1980, quelque chose a commencé à se dérégler.Pour mener à bien les mutations,les « réformes » qui se heurtent à de fortes résistances, une remise en cause profonde de la démocratie sociale est nécessaire,cette remise en cause a pour continuité la révolution conservatrice de Thatcher et Reagan dans les années 80. Une vague néolibérale qui a bouleversé les États-Unis de R. Reagan à partir de 1980 et la Grande-Bretagne de M. Thatcher à partir de 1979. Dans ces deux pays s’impose une « révolution conservatrice », en référence à son caractère radical – il s’agit de revoir en profondeur le rôle de l’État –, mais aussi le "renouveau" conservateur qu’elle traduit,c'est à dire en réalité ,un retour à l'ancien temps.Rien de nouveau dans la révolution conservatrice
Je ne veux pas faire pleurer Margot ; je sais que bien d’autres personnes sont davantage dans la misère que moi. Le problème, c’est que je travaille et que je me déclasse tout en travaillant. Je me suis même appauvri par rapport à mes parents», explique Alain.
Alain finit « tous les mois à découvert ».
« Par mois, je paie 600 € de remboursement pour la maison ; 100 € de carburant ; 150 € pour l’impôt sur le revenu et les impôts locaux. Il me reste 650 € pour l’eau, l’électricité, Internet et le téléphone, les courses et les assurances, qui sont un poste important. » Si bien que, en cas de dépense imprévue, il demande quelques centaines d’euros à son père, 90 ans, un ancien chef d’entreprise. Ou à sa compagne, qui ne vit pas avec lui mais l’aide très régulièrement à boucler ses fins de mois. « C’est lamentable… », soupire-t-il.
Au quotidien, comment gère-t-il son budget ? « J’ai baissé le chauffage, réglé le thermostat à 10 degrés dans la maison et installé en plus un poêle à granules. J’aimerais bien remplacer ma chaudière au fioul pour une chaudière plus écologique à condensation, mais ça coûte 15 000 €. » Quant à sa voiture, une Dacia d’occasion à 7000 €, c’est sa compagne justement qui lui a offerte.
«Quand j’entends Édouard Philippe dire que le gouvernement va nous donner 5000 € pour acheter une voiture qui en vaut 30 000 €, ça me fait hurler !», s’emporte ce Francilien qui aujourd’hui ne se sent plus le bienvenu à Paris. «Avant, j’y allais très souvent; maintenant, c’est une ville pour les riches et les touristes. Ce n’est plus une ville pour moi.»
Il ressent «un grand mépris de la part des politiques»
Un week-end sur trois, Alain fait «des extras». Il surveille un parking dans la journée pour gagner un peu plus d’argent. Avant, s’il faisait des heures supplémentaires le soir, celles-ci lui étaient payées 125 %. «Mais la loi El Khomri (NDLR : la loi Travail publiée en août 2016) est passée par là. Maintenant, les heures sup’sont payées seulement 110 %», relève Alain, qui dit ressentir «un grand mépris de la part des politiques».
«La colère des jaunes, je la comprends », avoue celui qui, en prévision de sa retraite, ferraille avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) pour tenter de connaître la situation de ses droits, sa décote, etc. Et de constater avec une certaine amertume : «Je vis aux crochets de mon père et de ma compagne. C’est une réalité. Nos gouvernants, eux, ne voient pas la détresse des gens.»
Le tarif de l'électricité augmentera dès le 1er juin 2019 de 5,9%. Une hausse importante après des mois de gel du tarif bleu de l'électricité que l'association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) et le médiateur de l'énergie dénoncent.
Le gouvernement a annoncé qu'il allait suivre les recommandations de la Commission de régulation de l'énergie.
Le rattrapage aura bel et bien lieu. Les tarifs réglementés de l'électricité, gelés par le gouvernement cet hiver en pleine crise des "gilets jaunes", vont bien augmenter cet été, a confirmé lundi le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy. "Il y aura pendant l'été, (...) parce qu'on ne peut pas infiniment repousser les choses, cette hausse", a déclaré M. de Rugy.
Le médiateur de l'énergie, ne cache pas son étonnement. Selon lui, l'Etat "prend le risque de cautionner une hausse qui pourrait s'avérer injustifiée". Ce phénomène pourrait entraîner d'autres effets, et notamment davantage d'incompréhensions sur le montant des factures pour les consommateurs.
Notes:
Le grand mensonge du pouvoir d'achat
Pouvoir d’achat des seniors : «C’est mon père de 90 ans qui me dépanne»
Le panier moyen des Français, estimé à 139,50 €, n’a jamais été aussi cher
ELECTRICITÉ : LES TARIFS VONT BIEN AUGMENTER (ET FORTEMENT) DURANT L'ÉTÉ
Pouvoir d'achat : le grand mensonge