Tout commence à l'été 2007, avec l'explosion de la « crise des subprimes ». Ce drôle de mot venu d'outre-Atlantique, le public le découvre alors. Il désigne des prêts immobiliers accordés à des ménages peu solvables, souvent des Américains modestes, ou précaires. Plus risqués que ceux contractés par des ménages plus riches ou présentant de meilleures garanties (ceux de la catégorie « prime »), ces crédits de la catégorie d'en dessous (« subprime ») sont garantis par l'Etat américain. Les taux d'intérêt sont fixes au début et deviennent variables au bout de deux ans, avec une surprime liée au risque. Ces fameux subprimes existent depuis les années 1990, ils matérialisent une belle promesse de campagne de Bill Clinton : faire en sorte que tous les Américains, même les plus modestes, puissent accéder à la propriété. Jusqu'en 2003, ces prêts ne présentent pas vraiment de danger et paraissent même salutaires. Mais l'ingéniosité et la cupidité de certains financiers vont changer la donne.
Un vrai non-sens économique
En finance, comme en économie, il y a effectivement une règle de base : plus le rendement augmente, plus le risque augmente. Autrement dit, il n'est pas possible d'accroître ses gains sans prendre davantage de risques. Or, grâce à des modèles mathématiques de plus en plus complexes, donc de moins en moins maîtrisables, les « nouveaux maîtres de la finance » donnent l'impression de pouvoir déroger à la règle. Ils se livrent tout d'abord à ce qu'on appelle la « titrisation » des dettes subprimes. Ces dernières sont transformées en titres, un peu comme des obligations, qui sont ensuite intégrés dans des produits financiers complexes et opaques. Pour couronner le tout, les agences de notation, chargées de mesurer le risque de non- remboursement des dettes, considèrent ces produits parfaitement sains et leur décernent un AAA – la meilleure note ! Il semble donc possible d'augmenter le rendement sans accroître le risque... Le pire est que personne ou presque n'ose s'opposer à un tel non-sens économique et encore moins y mettre le holà. Face à ces produits miracles dignes d'un tour de David Copperfield, les experts pérorent : « Ne vous inquiétez pas, vous ne pouvez pas comprendre, mais tout est sous contrôle. »
Dès 2007, une crise immobilière dramatique s'installe aux Etats-Unis. Elle va entraîner une première vague de panique bancaire. (Pascal Garnier pour Le Parisien Week-End)
Les ménages dans une spirale infernale
Seulement, lorsque la Réserve fédérale américaine (FED) augmente fortement ses taux directeurs, en 2006 et 2007, les ménages peu solvables qui avaient contracté des crédits subprimes à taux variable voient leurs remboursements mensuels flamber dangereusement. Incapables d'honorer leurs engagements, ils n'ont d'autre choix que de mettre en vente leur maison. Et comme de plus en plus d'Américains font de même, les prix de l'immobilier s'effondrent. C'est la loi de l'offre et de la demande. Les ménages sont alors engagés dans une spirale infernale qui les entraîne dans la faillite. Conséquence logique de ces déboires, les titres basés sur les subprimes, qui étaient pourtant notés AAA, ne valent tout simplement plus rien !
Face à cette déconvenue, les banques doivent intégrer ces pertes potentielles dans leurs bilans. Une vague de défiance à l'égard de celles-ci s'engage. Le monde bancaire vacille, ce qui débouche sur une crise de liquidités. En clair, les banques refusent de se prêter de l'argent entre elles, situation susceptible de paralyser l'économie. Consciente du danger, la FED réagit en abaissant fortement ses taux directeurs et en injectant des liquidités. L'hémorragie est donc stoppée à l'automne 2007. Malheureusement, c'est compter sans l'incompétence, la malchance et de trop nombreuses erreurs des dirigeants économiques et financiers de la planète. Ainsi, pendant que la FED tente de sauver le système en abaissant ses taux, la Banque centrale européenne, toujours aussi sûre d'elle, augmente les siens. Compte tenu de cette différence de stratégie, le dollar se déprécie et l'euro grimpe. Dans le même temps, face à un dollar plus faible et à des inquiétudes récurrentes sur les marchés boursiers, les investisseurs se replient vers des valeurs « refuges », parmi lesquelles l'or et l'ensemble des matières premières, notamment le pétrole, dont les cours flambent. Tous ces événements cassent la croissance, et entraînent la zone euro dans une récession dès le deuxième trimestre 2008, qui s'aggrave en juillet lorsque l'euro atteint 1,60 dollar et le baril de pétrole, 150 dollars.Mais le pire n'est pas encore atteint. Quelques semaines plus tard, le 14 septembre 2008, le gouvernement américain décide, contre toute attente, de la faillite de la faillite de Lehman Brothers, quatrième banque d'affaires américaine, ancienne championne des produits subprimes devenus toxiques. En vérité, cette décision est avant tout motivée par une envie irrépressible de vengeance du secrétaire d'Etat au Trésor américain, Henry Paulson, qui n'est autre que l'ancien patron de Goldman Sachs, concurrent historique de Lehman Brothers! Au lendemain de l'annonce de cette décision, la planète finance tombe dans un « trou noir ». Et pour cause, la quasi-totalité des banques étaient clientes de Lehman Brothers. Dès lors, une panique généralisée se propage. Le 29 septembre 2008, en pleine déconfiture boursière, le Congrès américain refuse, là aussi contre toute attente et toute logique, le plan de sauvetage des banques. Les marchés s'effondrent. C'est à partir de ce moment-là que Barack Obama passe à l'offensive dans la course à la présidentielle américaine face à John McCain, son rival républicain. L'homme de Chicago monte au créneau et qualifie la crise bancaire de « menace majeure » pour l'économie américaine, « la plus grave depuis la Grande dépression » de 1929. Opportuniste, il impute la situation aux huit années de gouvernement Bush. « En termes strictement politiques, la crise est une bénédiction pour Obama », écrit le Boston Globe.
En matière d'économie, 47 % des électeurs de la présidentielle font confiance à Barack Obama, contre 42 % à John McCain.
Les marchés s'effondrent
Cela n'empêche pas les fonds propres des banques de fondre comme neige au soleil. En effet, depuis quelques années, ces dernières avaient embauché de plus en plus de traders surdiplômés pour se livrer à ce que l'on appelle le « prop trading », c'est-à-dire de la spéculation avec l'argent de la banque elle-même, et non pas pour des clients. Lorsque les marchés étaient euphoriques, ces fonds propres étaient survalorisés, ce qui permettait aux banques de prendre encore plus de risques, tout en respectant les règles de prudence imposées par la réglementation. Maintenant que les marchés dévissent, leurs fonds propres font mécaniquement de même.
Dès lors, les risques de faillite bancaire augmentent et, par là même, les risques d'effondrement du système financier mondial, appelé faillite « systémique ». Il devient donc urgent d'agir. Dès octobre 2008, dans les pays occidentaux, les dirigeants monétaires décident d'abaisser fortement les taux d'intérêt et les politiques, de prêter de l'argent aux banques, évitant in extremis la faillite de ces dernières. Cependant, les dégâts sont considérables. Les crédits sont réduits à la portion congrue, la récession s'aggrave et, presque partout, le chômage augmente. La crise financière devient une crise économique et sociale.
Notes:
http://www.leparisien.fr/week-end/recit-2008-au-coeur-de-la-crise-financiere-15-03-2018-7595421.php